50 chapitres allant de pair avec autant de chansons, le tout racontant une histoire, en l’occurrence celle de l’auteure, Sylvia Hansel, oui, cette Sylvia-là. Celle dont je vous rebats les oreilles en raison de son génial podcast. La même qui a sorti deux albums, un EP de reprises et le petit nouveau, From The Muddy Banks Of The Marne, disponible sur Bancamp, avec quelques morceaux choisis tirés de Cannonball l’adolescence n’est pas une chanson douce. Ah, et elle a aussi écrit deux romans (Noël en février, Les Adultes n’existent pas), parce qu’elle ne manque pas de cordes à son arc ou de poêlons à son appareil à raclette comme elle préférerait sans doute que je dise.
Mais revenons à Cannonball. Plus de 350 pages qu’on dévore avec la ferveur qu’on a pu avoir, adolescent, en se plongeant dans son mensuel de rock favori. Le ton de Sylvia est direct, sans affect, parlé, juste parfait pour raconter une histoire parfois drôle et futile (comme l’adolescence), sombre et grinçante (comme l’adolescence), avec cette touche d’acidité qui caractérise certains textes de ses chansons. Elle n’élude jamais un épisode, si peu glorieux soit-il pour elle. Si souvent je trouve que l’authenticité est une valeur surestimée en musique (je suis une mauvaise personne préférant souvent une pose rock’n’roll et un riff qui décoiffe à une ballade sincère certes, mais peu propice à la stimulation de mon cerveau reptilien), dans le cas de Cannonball, elle est très rafraichissante. Voire glaçante, par moments.
Cette interview a quelque chose d’incestueux, puisque Cannonball, l’adolescence n’est pas une chanson douce est né grâce à une rubrique de ce blog. Mais je suppose que l’idée était déjà là avant…
Oui, elle devait traîner quelque part dans ma tête, depuis Fargo Rock City de Chuck Klosterman, Basse Fidélité de Philippe Dumez, et surtout Rob Sheffield avec Bande Originale, un bouquin dont chaque chapitre est introduit par une compilation sur K7 qu’il a vraiment faite à un moment de sa vie. Il y raconte comment il a dragué une fille, se retrouve à sortir avec, l’épouse… Et, pas de bol, ils étaient mariés depuis à peine cinq ans lorsqu’elle est morte d’une embolie pulmonaire. Il s’est retrouvé veuf très jeune. Ce livre est magnifique. À chaque fois tu as la liste des chansons pour faire la vaisselle, pour conduire, etc. Il a aussi écrit Tomber les filles avec Duran Duran, qui parle de son adolescence. J’ai trouvé chez lui ce que je ne trouvais pas chez les critiques musicaux qui, souvent, reprennent ce qui a été dit en interview, genre « c’est notre album le plus réussi depuis des années, etc. », mais ne parlent pas vraiment de la chanson. Parfois, ils disent vite fait de quoi elle parle, sans traiter de leur relation personnelle avec elle. Et, à moins qu’il ne s’agisse de Dylan, des Beatles ou des Stones (même les Who et les Kinks n’ont pas droit à ce traitement) les paroles, on s’en fout. Les circonstances de l’enregistrement, ce qui se passait dans la vie du mec quand il a écrit ça, on n’en sait rien… et c’est ce qui m’intéresse, justement.
Dans tout le livre, tu as un ton assez brut, tu ne camoufles pas les faits. Il s’agit de ton rapport intime avec une chanson, même si les souvenirs ne sont pas brillants…
Et certaines chansons ne sont pas forcément brillantes.
D’ailleurs, y a-t-il des morceaux que tu t’es interdit ?
J’ai hésité sur « MMMBop », Alanis Morissette et Renaud. Au moment où il a sorti sa chanson sur le « connard de virus », il était trop tard pour revenir sur mon chapitre et y ajouter quelques lignes sur ce truc, parce que là, c’est vraiment la honte… J’ai retiré un passage sur ce qu’il est devenu en vieillissant, je disais que je préférais mourir avant de devenir comme lui aujourd’hui. Je me suis beaucoup interrogée sur le fait de parler de Renaud et d’avouer à la face du monde que ça a été une figure importante de la musique de mon adolescence. Et pareil pour Noir Désir, parce que Bertrand Cantat, c’est très gênant.
Tu précises dans le livre que c’était avant qu’il ne tue une femme à coups de poings.
Oui, et à l’époque, on était persuadés que c’était un bon gars. Pour raconter l’été 1997, j’aurais aussi pu choisir une chanson de Eels ou de Bowie sur Hunky Dory, mais pour moi, cet été là, c’était vraiment “Là-bas” de Noir Désir, qui est une super chanson que peu de gens connaissent.
Dans Cannonball, il y a un mélange de souvenirs très douloureux et très drôles…
J’y suis allée sans filtre. Au départ, je ne voulais pas faire ça. Tu m’as demandé, pour la rubrique S’il n’en reste qu’une de ton blog, quelle était ma chanson préférée de tous les temps… Et je me suis mise à écrire sur « Wild Horses » alors que j’étais censée bosser sur autre chose, et j’ai passé une ou deux heures magnifiques à me rappeler de ça. Je me suis sentie tellement bien que j’ai eu envie de recommencer. J’ai entamé l’écriture de ce livre un mois ou deux après. Ça m’a fait un bien fou ! Au départ, je n’avais pas l’intention de parler de mes sphincters, de mes problèmes familiaux ou de mes premières relations sexuelles pourries. Je voulais vraiment parler de musique, mais le reste est sorti tout seul. Ça me faisait du bien, et j’ai pensé que ça pouvait intéresser les gens. Mais je prends un risque en faisant cela, parce que si une personne mal intentionnée veut m’attaquer, elle pourra viser dans le mille en connaissant ma vie perso que j’ai vraiment vécue. Après, je peux m’exposer à ça, j’ai presque 40 balais, je n’ai plus à me cacher.
La question rituelle de la rubrique Mes Disques A Moi dans Rock&Folk : premier disque acheté.
Il faut savoir si c’est une cassette ou un CD.
La cassette, vu que tu as commencé par là.
C’est un problème, parce qu’il s’agit de l’album de Début De Soirée.
Le monde veut donc savoir comment on peut passer de Début de Soirée aux Breeders…
Ça ne s’est pas fait en un jour. Début De Soirée, j’avais 7 ans et j’écoutais ce qui venait. Un jour, ma cousine m’a dit « Cette chanson est géniale, c’est Début De Soirée », et j’ai trouvé ça génial… Bon, OK, ma cousine et moi avions écrit une lettre au fan-club et on avait reçu chacune une photo dédicacée. Dans mon enfance, il m’est vraiment arrivé d’aimer des merdes. J’enregistrais beaucoup de choses à la radio, des Stop ou encore sur RTL que ma mère écoutait. J’ai enregistré ceux de Polnareff et Cabrel en sixième, juste avant de passer aux trucs bien… Ce n’était pas nul. J’aimais bien aussi Scorpions, la BO de Dirty Dancing… qui n’était pas totalement pourrie, il y avait des productions de Phil Spector ! Puis j’ai rencontré ces filles qui étaient fans des Doors, que je me suis mise à aimer. Ma deuxième cassette achetée, c’était Morrison Hotel. Même si je n’ai pas parlé des Doors dans le livre, parce qu’il fallait le faire commencer à une date symbolique : j’ai choisi celle de mes premières règles. Mes copines écoutaient les Doors, mais sont vite passées au Velvet, et j’ai eu une transition assez logique. Début De Soirée, Kylie Minogue, Polnareff, puis Dirty Dancing, les Doors et le Velvet. Mais j’ai eu du mal avec le Velvet, je me forçais, c’était ce qu’il fallait écouter pour être cool comme mes copines. J’avais le best-of. Les premières chansons que j’aimais bien, c’était « Stephanie Says », « Femme Fatale », « I’ll Be Your Mirror ». J’avais un peu de mal avec le chant de Nico qui n’était pas juste-juste, ce n’était pas formaté FM non plus. Et c’est avec « Pale Blue Eyes » que je suis venue à apprécier d’autres trucs, comme « Heroin » et « Lady Godiva »…
Et c’est à cause de la femme de Lou Reed, Sylvia Morales, que tu es passée de Sylvie à Sylvia. Je n’avais jamais fait le rapprochement…
J’étais revenue de vacances où je m’étais trouvé un Best sur le Velvet, et je m’étais tellement fait chier que je n’avais lu que ça. J’étais avec mon père sur la côte belge où personne ne parle français, et où on te regarde de travers si tu parles français, donc je n’avais rien fait d’autre que lire cette interview de Lou Reed, et je ne parlais plus que de lui à mon tour. D’où les copines me chambrant : « Eh, t’es Sylvia Reed ou quoi ? »
À quel moment, même si c’est très diffus quand on le vit, comprends-tu que la musique va te sauver la vie, comme l’héroïne de la chanson « Rock’n’Roll » de Lou Reed ?
Je ne suis pas sûre d’avoir compris les paroles de cette chanson la première fois que je l’ai écoutée. Du moins pas avant le numéro des Inrocks bien encyclopédique sur le Velvet… Mais j’ai toujours su que je voulais faire de la musique. J’ai voulu être chanteuse dès que j’ai vu le dessin animé Creamy. Je me souviens d’avoir rendu visite à mon grand-père très malade à l’hôpital, il avait été amputé des deux jambes avant sa mort. J’avais pris une feuille et un crayon et, quand on m’avait demandé ce que je faisais, j’avais répondu : « J’écris une chanson. » Je ne sais plus de quoi elle parlait, mais j’en ai écrit très tôt. Même à 4 ans, j’avais un pauvre petit synthé jouet et j’inventais des mélodies. Mais c’est vers 1993, avec le Velvet, quand j’ai quitté la Lorraine, que j’ai vraiment su que je voulais faire de la musique. C’était évident.
Dans le livre, on a le sentiment que tu as rencontré beaucoup de passeurs qui t’ont fait découvrir des disques. Tu as le sentiment, avec ce livre, que tu vas tenir ce rôle ? Tu as eu ce désir de contaminer les autres ?
Il y a des gens, en général des disquaires ou des journalistes, qui ont cette vocation de passeur. Moi, ce n’est pas ma vocation, mais j’ai eu ce rôle parfois… J’ai fait découvrir le Velvet à pas mal de gens. Puis, à une période de ma vie ultérieure au bouquin, quand je revenais du bar avec un coup d’un soir, il ne ressortait pas avant d’avoir écouté Pod des Breeders. Je les obligeais tous à écouter Pod, qui est l’un des meilleurs albums du monde, mais en général, les mecs ne le connaissaient pas.
On a en commun ce goût pour les choses qui sont antérieures à notre génération. Au lycée, j’écoutais Bowie et Iggy, et j’avais un mépris total pour les fans de boys bands, parce qu’en plus les boys bands ne jouaient pas d’instruments.
C’est clair ! C’était une insulte, quand j’étais au collège, je traitais les filles d’écouteuses de dance. « Sale écouteuse de dance ! » Aujourd’hui, je dis plutôt « sale bourge ».
Pour écrire ce livre, es-tu partie de ton histoire ou des disques ? T’es-tu replongée dans tes compilations annuelles ?
Oui, je me suis replongée dedans. En fait, je suis partie de mon histoire, mais elle est tellement liée aux chansons que je ne sais même plus… c’est l’œuf et la poule. J’ai très tôt pris le parti d’en faire un récit chronologique. Il y a eu certaines périodes où j’ai dû choisir UNE chanson parmi d’autres. J’ai même eu des problèmes. En 1995, j’écoutais presque exclusivement les Stones. Au début, je m’étais dit que je ne mettrais qu’une seule chanson par artiste, mais je me suis rendu compte que ça n’allait pas être possible.
Dans ce livre, comme dans ton podcast, tu as un ton très parlé. Ça ne veut pas dire que ce n’est pas écrit, mais on a le sentiment que tu parles aux gens. On entend ta voix en te lisant…
Ceux qui me connaissent me disent ça. Je note les choses comme elles viennent. C’était pareil dans les deux livres précédents.
Ce livre est-il un prolongement de ton podcast ?
C’est le contraire. J’ai commencé à écrire le livre en septembre 2016. L’idée du podcast est venue de Joachim, mon mec, sur le modèle du livre dont je lui parlais au fur et à mesure de l’écriture. Quand j’écrivais sur une chanson, il m’arrivait d’essayer d’apprendre à la jouer à la guitare. Savoir les jouer m’aidait à mieux comprendre la structure mélodique, les paroles, etc. Comme mon mec est là, dans le salon, quand je m’exerce quotidiennement à la guitare, je lui racontais mes anecdotes relatives à ces chansons, ou bien l’histoire des chansons elles-mêmes. Et il s’est dit que ça ferait un bon podcast.
Tu as aussi à ton actif deux albums, et un troisième que tu vas enregistrer…
Et un EP, Train Songs, mais comme c’est des reprises, je ne le considère pas comme un vrai album. Et je vais sortir un album de reprises de chansons dont je parle dans le bouquin. Elles n’y sont pas toutes, j’ai choisi celles que j’avais envie de jouer et que je n’allais pas trop massacrer. Je n’allais pas reprendre Cannonball, par exemple, même si c’est le titre du livre. En acoustique dans son salon, ce n’est pas possible. D’ailleurs, je n’ai jamais entendu parler de quelqu’un qui ait fait une bonne reprise de ce morceau.
Tu enregistres et joues seule. Est-ce par défaut ?
Je suis trop chiante pour que d’autres musiciens aient envie de m’accompagner. Ou alors, il y en a certains qui en ont envie, mais je suis trop exigeante, je ne les trouve pas forcément dans mon style. Je n’aime pas trop le mot “perfectionniste”, mais j’entends mes compositions dans ma tête, et si le pauvre musicien plein de bonne volonté n’arrive pas à jouer ce qu’il y a dans ma tête… je préfère le faire moi-même. Ce qui est chiant au moment des concerts. J’aimerais bien pouvoir tout faire à la fois… Bon, si on est partis pour ne plus jouer que des concerts confinés, ça va être possible, au final.
Tu m’as souvent dit que tu n’avais pas d’imagination. Es-tu consciente que c’est un énorme avantage pour écrire ce livre qui puise directement dans tes souvenirs ?
J’ai peu d’imagination, mais une bonne mémoire. Après, la mémoire, c’est comme internet ou un couteau, c’est un outil. Parfois, ça peut faire du mal… J’aimerais avoir oublié certaines choses. Et j’aimerais que les gens se souviennent de choses que je leur ai dites alors qu’ils affirment que ce n’est pas arrivé. J’aimerais bien imaginer des histoires, je lis pas mal de SF et de fantasy et je suis hyper admirative des gens qui créent des mondes. J’en serais incapable. Mais j’ai le projet d’écrire des fictions. Ce ne sera pas dans des univers avec des gens ayant des pouvoirs paranormaux, mais j’écrirai des histoires autres que les miennes, et je pense qu’il fallait que j’écrive ce livre d’abord… je me sens mieux depuis.
Il est très cathartique, d’ailleurs.
J’ai l’impression d’avoir gagné en assurance, je bois moins, j’ai arrêté de fumer…
On peut recommander Cannonball à ceux qui veulent moins boire et cesser de fumer. On parlait du fait que tu joues seule, mais ce serait quoi, ton line-up de rêve ?
Déjà, on va prendre Brian Eno période glam à la production, pour qu’il trouve plein d’idées extravagantes. À la basse, quand je n’en joue pas, je veux bien Carol Kaye, du Wrecking Crew. À la batterie, la batteuse d’Electrelane, au banjo ma pote Camlamity Mo, à la guitare lead et aux harmonies Kelley Deal, en plus elle joue de la slide. À la guitare rythmique j’ai vraiment peu d’idées mais je pense que Keith Richards (période Beggars) devrait s’en sortir… Ah oui, et le mec qui joue de la pedal steel sur Harvest avec Neil Young !
Au début du livre, tu parles de la nostalgie et du plaisir de réécouter de vieux morceaux, de ne pas toujours être dans la découverte, et tu avances que la plupart des gens qui prétendent toujours chercher des nouveautés sont, au fond, comme toi.
On a l’impression qu’il faudrait toujours que tout soit nouveau. J’ai au moins une fois par semaine un ou une pote qui me demande si j’ai découvert des trucs bien. Ou qui se plaint de n’avoir rien découvert de bien récemment. Mais ce n’est pas grave, il y a un tas de vieux trucs à découvrir ou redécouvrir ! Pour en revenir à l’anti-nostalgie, il y a vraiment des milieux où on se fait basher si on dit que c’était mieux avant… Et il y a beaucoup de gens d’un certain âge qui se raccrochent au fait de vouloir écouter des choses modernes et nouvelles, pour dire : « Eh, je ne suis pas si vieux que ça ! » Je ne dis pas que c’est mal de chercher à avoir des coups de cœur, mais il ne faut pas que ce soit à tout prix.
Tu as le sentiment qu’on n’a pas la même intensité d’écoute à 15 ans qu’à 35 ?
C’est sûr. J’ai fait des découvertes merveilleuses passé 25 ans : Electrelane, par exemple, c’était magique de tomber amoureuse en écoutant ce groupe. Amy Winehouse aussi. Je l’ai écoutée avec la même intensité que si j’avais eu 15 ans. Mais ça arrive moins souvent. J’ai l’impression qu’à l’adolescence, j’ai eu du bol de rencontrer les bons passeurs et d’avoir été sensibilisée au bon goût, mais sans ces rencontres j’aurais pu vivre tout aussi intensément avec Take That. Je n’en sais rien. Dans le livre j’ai inclus, par exemple, un titre de The Wall alors que je ne peux plus l’écouter. À l’adolescence, on est tellement malléable que même une merde peut te rappeler ton premier amour ou ta clope derrière le tas de bois en cachette des parents…
Un tome 2 avec l’âge adulte, c’est faisable ? Même si ce serait moins linéaire et qu’il y aurait moins de premières fois…
J’ai un peu envisagé d’en écrire un sur la décennie suivante, où j’ai commencé à avoir des groupes, ça pourrait avoir un intérêt documentaire sur la scène des baby rockers, vu qu’on avait rangé mon groupe Little Fury là-dedans alors qu’on avait déjà 23 ans… Mais j’ai d’autres projets pour l’instant. Je n’ai pas envie de raconter ça tout de suite, d’autant que ça toucherait des gens que je fréquente toujours. Je déplairais beaucoup à certains, qui sont devenus des musiciens un peu connus, des journalistes, etc. Ce bouquin a été un gros boulot, ça représente trois ans d’écriture. Bon, je n’ai pas fait que ça, j’ai un vrai boulot à côté et des projets musicaux, mais dès que j’avais une petite période de chômage, j’étais dessus toute la journée.
La musique a-t-elle toujours cette fonction vitale aujourd’hui ?
Oui, absolument. Mais il se passe moins de trucs dans ma vie, et je n’ai plus une chanson préférée par mois, que j’écoute en boucle.
Adolescente, à qui tu t’identifiais, en musique ?
Au tout début, je n’écoutais que de la musique de mecs et, dans une certaine mesure, je ne pouvais pas vraiment m’y identifier. Mais quand Courtney Love est arrivée… c’était difficile de s’identifier à elle, car tout le monde la détestait – et ça continue. Même des gens très bien ont un truc contre elle. J’avais commencé par la haïr. J’aimais bien Kurt Cobain, ce petit blondinet qui avait l’air si sympa et elle, c’était la méchante. Un an plus tard, j’ai acheté Live Through This et c’était tellement bien, c’était l’album que j’aurais aimé faire ! Dès « Violet », je suis restée scotchée sur ma chaise jusqu’à la fin du disque, sans rien faire. J’étais bouche bée. Mais Courtney était quand même un peu extrême pour moi. Et quand j’ai connu Kim Deal, j’ai compris que je pouvais envisager, moi aussi, de faire de la musique. Que ce n’était pas qu’un rêve. Kim Deal ne faisait aucun effort de séduction, elle était un peu grosse, un peu mal fringuée, elle n’avait pas une voix extraordinaire… Parce que je serais incapable de chanter comme Courtney, alors que Kim Deal, elle aime bien les mélodies bubblegum. Il y a aussi un côté vachement arty chez les Breeders.
Le côté « je peux le faire aussi », c’est l’effet que les punks ont eu sur une génération…
Pas pour moi. Tout le monde prétend que les punks ne savaient pas jouer, j’ai écouté Never Mind the Bollocks et putain, ça joue super bien ! C’était frustrant. J’aurais voulu rencontrer quelqu’un comme Viv Albertine à l’adolescence. J’ai adoré son livre De Fringues, de musique et de mecs. Je me suis identifiée à elle en le lisant. Je précise que j’avais déjà fini d’écrire Cannonball, mais il y a beaucoup de similitudes, j’ai un peu peur qu’on pense que j’ai copié sur elle, alors que non. On a simplement vécu des choses assez semblables, et choisi de les raconter sur le même ton.
Mais elle, c’était une Muswell Hillbillie et toi…
Mon prochain album s’appellera Moselle Hillbillie, avec une photo de hauts fourneaux sur la pochette ! Et je peux juste ajouter une chose ? L’album de reprises qui accompagne ce livre n’aura pas de support physique, il sera téléchargeable sur Bandcamp à prix libre. Désolée, j’ai fait mon album de confinement ! C’était aussi un moyen de faire découvrir ce que je joue aux lecteurs, et inversement, car étrangement, ce ne sont pas les mêmes personnes qui lisent mes livres et écoutent mes disques, ou mes podcasts…
Pour terminer, rien à voir… C’est quoi tes gros mots préférés quand tu fais un pain à la guitare ?
Bon dieu de bois de merde à la chiotte de con !