Tu n’es pas bien, là, Petit Scarabée, calé sous l’aisselle suante d’un géant, pied écrasé par la charrette d’une mère qui nourrit sa famille nombreuse avec cinq kilos de fruits et de légumes par jour chacun, main sous le dos du flippé des microbes qui préfère s’adosser sur des phalanges inconnues plutôt que de tenir la barre du métro ? As-tu pour autant envie d’avoir dans les écouteurs la chanson d’un petit malin te vantant la route 66, le ciel limpide et les grands espaces ? NON. Cela pourrait réveiller en toi des instincts d’émule d’Hannibal Lecter et Charles Manson, en moins bonhomme. Pour éviter ça, je vais répondre à la question qui te hante : Quoi écouter quand… le trajet paraît particulièrement long ?
Permets-moi, Petit Scarabée usager des transports, de te faire découvrir un groupe du nord de l’Angleterre assez doué pour la mélodie qui gagne à être connu. Ils se nomment les Beatles. Ils sont quatre, ils sont dans le vent à ce qu’on raconte et ont des coupes de cheveux assez cocasses qui t’arracheront un sourire, même en constatant qu’il te reste 38 stations dans cet antichambre de l’Enfer sponsorisé par le Pass Navigo.
Commençons par un peu de visuel apaisant. Regarde la pochette d’Abbey Road. Elle va devenir ta happy place, lieu où tu réfugier quand tu ne vois pas la lumière au bout du tunnel de métro. Imagine ta joie si, chaque matin, tu n’avais qu’à traverser un passage clouté pour te rendre au boulot (ou en trouver), entouré de tes trois collègues favoris, y compris ce déconneur de Paulo qui n’a pas mis de godasses pour faire croire qu’il est mort sur la photo ? Oui, ton esprit frétille et ça ne va pas s’arrêter à l’écoute de “Ticket To Ride”.
J’en entends un dire au fond, ouais, c’est pas parce que la chanson parle de ticket qu’elle a un lien avec British Rail… C’est pas faux. Et je m’en cogne, car l’important ici, c’est cette explosion de guitare 12-cordes Byrdsienne et ces harmonies vocales allègres. Si le tempo ne te donne pas envie de jouer du air-tambourin à la grande joie des passagers de ton wagon, je veux bien écouter en entier une chanson de Maître Pims.
Mais je sens bien, Petit Scarabée, qu’il te faut de l’évasion. De la bagnole bouffant du bitume… Essaie “Drive My Car”. D’abord tu auras le plaisir d’entendre un Beatle se prendre un vent avec une aspirante actrice qui lui propose d’être son chauffeur. Ça n’arrive pas qu’à toi. Tu veux un peu de place dans ton wagon ? Reprends en chœur avec tes nouveaux potes de Liverpool ce merveilleux refrain à base de bip-bip bip-bip yeah.
Il te reste encore 15 stations qui te semblent plus pénibles que celles du chemin de croix, d’autant que Jésus n’était pas entouré d’allergiques au déodorant. Et quoi de plus rafraichissant que “Why Don’t We Do It In The Road ?” Sur fond de mélodie brute et abrasive sur les bords, Paul McCartney se demande en boucle, pourquoi on ne le fait pas sur la route. Dommage, il ne précise pas s’il s’agit de faire des sandwiches (pas pratique) ou les ongles (pas facile non plus).
Comme il te reste encore un changement, tu as le droit à un bonus, Petit Scarabée. Fais gaffe, en l’écoutant, tu va arracher ton t-shirt ou ton sous-pull acrylique, soudain possédé par l’esprit d’Iggy Pop et le rythme bondissant de son “Passenger”. Certes, il l’a écrite alors qu’il était en tournée avec David Bowie et voyageait dans des conditions meilleures que les tiennes, mais n’es-tu pas un peu reboosté par l’enthousiasme de cet iguane au timbre de velours ? Lui s’en fiche pas mal que le trajet semble interminable. Il chante la-la-la-la-la-la-la-la en regardant par la fenêtre. Et alors que tu baignes dans son énergie communicative, ne loupe pas ton arrêt. Merci qui ?