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  1. Disquaire day – Avec qui y aller… Ou pas.

    avril 15, 2016 by Isabelle Chelley

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    Oui, petit Scarabée, ce visuel tout pourri a été réalisé par moi-même, avec mes moufles. 

    Chaque année, après avoir dépensé son budget vacances en vinyles, on se promet, comme après une gueule de bois de compétition, qu’on ne recommencera pas. Et l’année suivante, on dresse la liste de disques à acheter, on s’organise un circuit entre parcours du combattant et séjour planifié par l’Association des Hyperactifs Cocaïnés et on se lève, un samedi matin, à une heure ridicule, ce qui nous contraindra à boire des litres de café pour garder les yeux ouverts (et mettra notre vessie à rude épreuve, puisqu’il n’y a pas encore de wc chez les disquaires).
    Et pour ne pas avoir l’air d’un obsessionnel compulsif tout seul, le mieux est d’aller traquer le vinyle en bande. Histoire de se rassurer en se disant qu’on n’est pas forcément le plus affligé…

    Petite liste des copains, potes et autres vieux brancards à embarquer avec soi (ou pas) le jour D.*

    Le Collectionneur Maniaque : Même en étant atteint de TOC, on passe pour banal et sans histoire à côté de lui. Le Collectionneur Maniaque est déterminé à TOUT AVOIR sur son groupe ou artiste ou label favori. Mais en prime, il le lui faut en trois exemplaires : un à écouter, l’autre à garder dans son emballage et le dernier à stocker en sécurité au cas où sa collection serait détruite par une catastrophe naturelle, une attaque nucléaire ou une invasion de zombies extraterrestre mutants en Desigual. Son budget pour Disquaire Day pourrait contribuer au comblement du déficit de la Sécu. A-t-il kidnappé le petit bonhonne Cétélem ? Tué sa vieille tante à héritage ? Mystère…

    Le Spéculateur : Les disques, il s’en cogne comme de sa première tétine. Ce qui l’intéresse, ce sont les cotations sur Discogs, qu’il compulse comme les cours de la bourse. Il a repéré les collectors les plus recherchés, va se jeter dessus avec la délicatesse d’un pit-bull affamé boulottant un enfant en bas âge et filer aussitôt chez lui les revendre pour des sommes obscènes. Enfin, si sa copine a terminé de mettre sur eBay les vêtements de la collection capsule H&M de ce styliste super tendance…

    Le Blasé : Il n’est là que dans un but : vous faire comprendre que vous êtes tous des gogos, bernés par une opération tristement commerciale visant à vous faire acheter des disques à prix exorbitants. Ses phrases favorites ? « Pff, Disquaire Day, c’est mort, les majors ont tout récupéré », « Pff, Disquaire Day, c’était mieux avant », « Pff, la plupart de ces glandus qui achètent des disques n’ont même pas de platine pour les écouter », etc. Comme il reste planté là, tel un portemanteau sentencieux, on y accroche notre tote-bag surchargé de vinyles pendant qu’on plonge dans un énième bac.

    Le Loser : Il arrive à la bourre parce qu’il a pris le seul métro dans lequel Colis Suspect a décidé de faire une apparition surprise. En conséquence, le super collector top moumoute qu’il convoitait a déjà été raflé par le Collectionneur Maniaque ou le Spéculateur. Ignorant les moqueries du Blasé, il file chez le disquaire suivant où un copain lui a signalé qu’il restait un exemplaire de son Graal. Une fois sur place, après une demi-heure de queue pour payer, il constatera qu’il a perdu sa carte bleue. Et comme son portable est déchargé, il ne pourra même pas appeler un ami serviable pour le dépanner…

    Le Fauché : Comme son nom l’indique, il n’a pas un sou, mais il a tenu à venir. Par masochisme ou pour faire du shopping virtuel. Il regarde les étiquettes avec l’air d’un orphelin mal nourri de Dickens léchant la vitrine d’une boulangerie, puis pousse un petit soupir douloureux en reposant l’objet de son désir, sous l’œil indifférent du Spéculateur et celui, méprisant du Collectionneur Maniaque. Le Blasé viendra à son secours : non pas en le dépannant d’un billet, mais en lui disant que « Pff, Disquaire Day, laisse tomber, c’est une arnaque. »

    L’Encombré/encombrant : Il arrive muni au choix d’une valise à roulette, d’un sac de sport XXL, d’une poussette char d’assaut garnie d’un petit humain que la vue des vinyles fait hurler, voire de tout cela à la fois. Initialement, on ne sait pas quoi faire de lui, à part le laisser sur le trottoir devant le disquaire, en espérant qu’on ne le prenne pas pour Colis Suspect. Mais très vite, on saisit son potentiel. Lui, c’est un bélier humain, un moyen efficace de se frayer un chemin dans les rayons encombrés de collectionneurs frénétiques, obligés de s’écarter pour ne pas voir leurs Stan Smith écrasées par ses roulettes. L’an prochain, on lui demandera de venir avec une glacière garnie de bières en prime, tiens…

    L’À côté de la plaque : Il n’a pas compris le principe de Disquaire Day. Il pense qu’il s’agit d’une brocante et hallucine devant les prix. Et puis, lui, en plus, il préfère les CDs aux vinyles. Le Blasé est ravi : il va pouvoir enfin expliquer le principe de l’opération à quelqu’un tout prêt à l’écouter…

    Le Personal Shopper : Il est venu pour avec une liste de trois pages de disques à acheter pour des copains qui n’ont pas pu être là, pas eu envie de se lever ou de faire la queue. Mais comme il est serviable, il va passer sa journée à fouiner pour eux, à envoyer des SMS pour leur dire qu’à l’inverse de Bono il a trouvé ce qu’il cherchait et à se faire engueuler parce que 15€ pour ce split single, c’est n’importe quoi, enfin, tu aurais pu t’en apercevoir, non ? Il mettra ensuite des semaines à se faire rembourser. La rumeur veut que le Spéculateur utilise parfois ses services. Son unique allié en cette journée stressante est l’Encombrant, sur la poussette duquel il se déleste de quelques kilos de vinyles au cours de son ingrate épopée.

    Mr Bon Plan : Il est aussi indispensable à la réussite de la journée que les trois tote-bags vides qu’on trimballe dans l’espoir de les remplir de disques. Comment fait-il, on l’ignore, mais cet individu d’apparence normale, est une mine de renseignements qu’il adore partager. Il sait où se trouve le super collector top moumoute que recherchent le Loser, le Collectionneur Maniaque et le Personal Shopper, il a en tête les horaires et les lieux des showcases les plus sympas. Mieux encore, il est copain avec un des disquaires qui propose à l’Encombré de lui stocker sa valise pendant qu’il fait sa plongée dans les bacs et il connaît une boutique où le matin, on offre du café et du cake et de la bière dans l’après-midi. C’est une sorte d’App vivante, donc. Qui marche même quand la batterie de l’iPhone a décidé de lâcher l’affaire…

    Le blogueur disques : Pour lui, l’essentiel n’est pas d’acheter et d’écouter les disques, mais de le faire savoir. Il live tweet sa journée dans les moindres détails, poste des pochettes sur Instagram, met à jour son statut Facebook toutes les dix minutes et répond avec virulence aux commentaires des trolls (on soupçonne que le Blasé s’est créé un faux profil, rien que pour lui pourrir son shopping). Il tente de négocier des réductions en balançant son nombre de followers. Rien ne l’arrête. Sauf la panne de sa batterie de téléphone et de celle de secours. Quoique… Mr Bon Plan lui indique une prise, là, dans le coin, derrière la valise de l’Encombré, où il pourra recharger l’engin.

    Comment ? Vous n’avez aucun de ces spécimens dans votre entourage ? Pas grave. Faites comme moi. Choisissez une poignée d’amis, de vrais. Embarquez-les avec vous. Ça fera des souvenirs. Comme cette pile de vinyles rares en édition limitée que vous venez d’acheter. En vous jurant que l’an prochain…

    *J’ai tout mis au masculin, mais bien entendu, il y a des équivalents féminins de cette galerie de personnages.


  2. Journaliste, traduction

    juin 16, 2015 by Isabelle Chelley

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    Ça fait des années que chaque jour, je m’installe devant mon Mac pour écrire. Et à chaque fois, pendant quelques secondes, l’image de Snoopy écrivain m’apparaît. C’est grave, docteur ?

    Dans un article précédent, j’ai sous-entendu que l’Artiste, cet être intègre, sincère et à fleur de peau, pouvait, à l’occasion, manier la langue de bois mieux qu’un vieux politicard chevronné en débat télévisé face à des vrais gens. Entre nous, je dois l’avouer, le Journaliste ne vaut pas mieux. Dans l’espoir d’extorquer des réponses à l’Artiste et de ne pas se mettre à dos les maisons de disques et autres attaché.e.s de presse, il est capable de petits arrangements avec la vérité. Oui, c’est moche. Mais au fond, le Journaliste est un individu comme les autres (juste un peu plus alcoolique), ni plus intègre, ni plus objectif, quoi qu’il en dise. Ci-dessous, quelques exemples de petits mensonges que je vous traduis, parce que je vous aime bien. Du moins, c’est ce que je prétends…

    Un album difficile : À la première écoute, on oscille entre la douleur physique, la nausée (ou était-ce un reste de gueule de bois ?) et l’envie de se percer les tympans à la chignole pour ne plus jamais risquer d’entendre une atrocité pareille. Mais sinon, c’est vachement avant-gardiste.

    Un deuxième album délicat : Pas au sens de « qui fait preuve d’adresse et de légèreté ». Mais plutôt de « délicat à enregistrer parce que le groupe a balancé ses bonnes idées sur le premier disque et s’est depuis cramé avec le succès, trop de concerts et quelques substances nocives pour la santé. » À n’écouter que pour faire découvrir à vos potes sains la sensation sonore d’une méga-gueule de bois doublée d’une dépression.

    L’album de la reformation : L’album de la déchéance, de la honte, du, mais pourquoiiii ? Pourquoi saloper sa légende lorsque tout le monde vénérait des souvenirs embellis par le manque ? Pourquoi revenir lorsque l’épaisseur des cheveux est inversement proportionnelle à celle du bide ? Pourquoi, au mieux, faire la même chose que sur l’album d’avant le split (souvent le moins inspiré) ou, au pire, de suivre la tendance avec la même aisance qu’une nonagénaire atteinte d’ostéoporose se lançant dans une démonstration de break-dance ? A n’offrir qu’au pote chroniquement nostalgique de ses 20 ans, qui n’a pas écouté une nouveauté depuis la mort de Kurt Cobain.

    Un album agréablement planant : Planant pendant trois minutes. Mortellement chiant pendant les soixante-douze restantes. Peut cependant servir à apaiser un bébé qui fait ses dents ou à endormir mamie si elle a oublié son Valium.

    Une voix éthérée : Même au volume 12, avec un casque vissé sur les oreilles, on pourrait la confondre avec le murmure d’un poisson rouge à peine amplifié. À mettre au copain fan de black metal qui refuse les bouchons d’oreilles pour lui faire croire qu’il est proche de la carte de fidélité chez Audika.

    Une voix qui a vécu : C’est-à-dire entre le clodo qui beugle des obscénités dans le métro parce qu’il a quelque peu abusé de la 8,6° et la poissonnière à la criée vantant sa morue bien fraîche. On aurait bien parlé d’un timbre entretenu à la Gitane maïs et au whisky de contrebande, mais avec la loi Évain, on a peur de se faire taper sur les doigts pour apologie de produits nocifs à la santé. A écouter avant d’aller en soirée, dans l’espoir que ce déplorable exemple incite à la modération.

    Un sympathique groupe de branleurs : Des branleurs. Pas forcément sympathiques puisqu’ils arrivent bourrés et/ou défoncés à l’interview et, une fois la distance de sécurité anti-projection de vomi établie, ils sont incapables de répondre à la moindre question, même en monopolisant leur neurone commun vaguement intact.

    Un groupe de vieux briscards volubiles : Vieux avant tout, avec une touche de sénilité précoce. Et très volubiles. Mais définitivement en roue libre, incapable d’écouter une question, puisque ces Gentlemen Gaga aiment se remémorer leur passé, en s’embrouillant dans leurs histoires, avant de conclure d’un « Si tu te souviens des sixties, hein, c’est que tu ne les as pas vécues ». Avec l’air ravi du mec qui croit avoir inventé la formule.

    Un univers très personnel : À mi-chemin entre la pathologie mentale incurable et le fou-fou qui a testé personnellement toutes les drogues, du champignon hallucinogène au Haribo de contrebande. Donne vite l’impression de regarder une de ces émissions de télé racoleuses, où des gens très perchés sont convaincus de l’existence des Reptiliens.

    Un album sympathique : Que j’aurais oublié dans dix secondes. Hein, attend, de quoi on parle, là ?


  3. Interviews, traduction

    avril 23, 2015 by Isabelle Chelley

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    Cette superbe illustration est signée de ma personne (vous aurez reconnu mon goût de myope pour la photo semi-floue). Merci encore à Philippe Massoni qui m’a offert le Playmobil Elvis !

    Je vais devoir faire une révélation qui risque d’ébranler les plus naïfs d’entre vous. En interview, l’Artiste n’est pas toujours sincère. Surtout face à un(e) journaliste. Il ne ment pas, attention… Il se contente d’enrober la vérité d’un délicat vernis qui la rend plus plaisante à lire.
    L’Artiste américain, l’acteur en particulier, est passé maître dans l’art de la communication, de la belle déclaration ronflante où les termes inspirant, collaboration enrichissante, admiration réciproque et travail d’équipe reviennent en boucle. Le rock conserve quelques grandes gueules pour balancer des vérités qui font mal (et d’énormes conneries aussi), mais l’espèce est en voie de disparition… Et si l’Homo Rockn’n’rollus est moins lisse que son homologue cinématographique, il lui arrive de pratiquer une gentille langue de contreplaqué que je vais me faire un plaisir de vous traduire ici.

    Je suis perfectionniste : Tu vois Hitler sous cocaïne en plein délire control-freak ? Eh bien comparé à moi quand je bosse, c’est un type plutôt détendu du string. Je peux refaire 200 fois la même prise en studio et je trépigne de rage en maudissant l’ingé son sur 18 générations tant qu’on n’en fait pas une 201e. Pendant le sound-check, je suis une grosse diva capricieuse et je fais même chialer le gros roadie tatoué qui décapsule ses bières avec les dents.

    C’est l’album de la maturité : Après cinq ans non-stop à picoler comme des gorets en studio et en tournée, à se réveiller baignant dans notre vomi ou celui de gens dont on ne se souvient plus du prénom, à faire des bébés à des groupies qui n’avaient pas l’air si mineures que ça, on a décidé de se calmer pour amortir le passage en rehab et la greffe de foie et de cloison nasale.

    On a fait un break : Tu as déjà passé des mois à tourner dans le même bus que trois autres glandus ? On ne s’était pas aperçus des non-dits accumulés entre nous et du besoin de mettre des distances, jusqu’au jour j’ai attaqué le batteur à coup d’extincteur parce qu’il faisait trop de bruit en respirant.

    Ce break nous a rendu plus forts : On arrive à rester dans la même pièce dix minutes d’affilée, sans en venir aux mains.

    On est très instinctifs : On est de très gros branleurs. En vrai, on préfère fumer des joints et boire des bières plutôt que de s’enfermer en studio pour bosser. Du coup, on fait tout en une prise, puisqu’au final, vous écouterez le disque en MP3 avec un son dégueulasse, alors pourquoi se prendre le chou, hein ?

    On se fout de notre image : Chaque matin, on passe une heure à choisir notre jeans pourri et à se décoiffer les cheveux. On fait vieillir nos Converses aux pieds des roadies. L’autre jour, je me suis rasé de près par erreur, du coup, je ne suis pas sorti de chez moi pendant trois jours…

    On a quitté le label en bons termes : On a saccagé le bureau du directeur artistique, menacé de mettre le feu aux locaux, déposé une tête de cheval mort sur l’oreiller du big boss. Pour le procès, on va plaider la perte de jugement temporaire…

    Le groupe est une démocratie : Une démocratie au sens coréen du nord, bien sûr.

    La collaboration géniale par internet : J’aurais vendu ma petite sœur pour être ne serait-ce qu’une demi-journée dans le même studio que mon héros venu poser une voix sur un morceau. Mais apparemment, il m’a pris au sérieux quand j’ai dit en interview que si je le rencontrais, je me frotterais sur sa jambe comme un clebs en chaleur…

    Je n’accorde aucune importance aux prix : J’ai le nom de tous ceux qui ont eu à ma place le Grammy Award, le Mercury Prize, le Brit Award et le prix du mec le plus sexy avec une barbe géante et un jeans retroussé sur les chevilles. Et eux, si je les croise, je les tape.

    Je me suis fait plaisir avec cet album : Au moins, il y en aura un à qui mes morceaux archi-complaisants et mal foutus plairont. C’est déjà ça.

    Mes paroles ne sont pas du tout perso : La chanson « Amy is a dirty bitch because she dumped me for another pop-star » par exemple, n’est pas du autobiographique. Mon ex, cette salope qui m’a quitté pour un chanteur pop de merde, s’appelait Ally… Je ne vois pas pourquoi les journalistes se font des films. L’inspiration, je la trouve partout, pas juste dans ma vie. Et si l’album s’intitule « My Life », c’est juste vachement ironique. Et vous tombez tous dans le panneau.

    Ce groupe ? Jamais entendu, ils n’ont pas pu m’influencer : J’ai tous leurs albums. Et les pirates. Et les rééditions sud-américaines, japonaises, congolaises et inuit de tous leurs disques.

    Je ne suis rien sans mes fans, j’ai un rapport privilégié avec eux : J’adore quand ils likent mes photos sur Instagram et mes statuts Facebook. Et je charge personnellement notre attachée de presse de répondre aux relous qui veulent discuter…

    Je ne lis jamais les critiques, même les bonnes : Là, deux traductions sont envisageables. 1) L’Artiste est vraiment sensible, limite écorché vif qu’on aurait plongé dans un bain d’alcool à 90° et de sel : oui, même les compliments, je les prends mal, parce que je me demande si j’en suis digne au fond. Et puis, les critiques ne comprennent pas vraiment mon Art, ils ne voient pas que je tente de m’élever vers le sublime, ils se contentent de me comparer aux Beatles… 2) L’Artiste nous prend pour un jambon : J’ai des alertes Google avec des mots-clés portant sur moi, comme ça, je lis tout. Y compris les tweets sur moi. Je sais qu’en 2009, tu as émis une vague réserve sur mon premier album et ça, je ne l’ai pas oublié…


  4. Liste à l’index

    août 6, 2014 by Isabelle Chelley

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    Ce matin, ça s’indigne sur Twitter et Facebook. Le NME a publié sa liste des 100 artistes les plus influents et dans le Top 25 ne figurent pas les Beatles, les Stones, Dylan, les Who, etc. Tandis que mes camarades s’organisent pour sauter dans le premier Eurostar, torches et fourches en main, je me creuse les méninges, en quête d’une explication. Les journalistes ont-ils fait ce classement à 4 grammes du matin au pub du coin ? Un correcteur troll aurait-il tout chamboulé avant de guetter les réactions sur les réseaux sociaux, pop-corn à portée de main ? Et pourquoi me suis-je collée ma brosse à mascara dans l’œil droit ? (ça n’a rien à voir, mais c’est désagréable. Autant que de ne pas être dans le Top 25 pour Dylan, sans doute)

    Redoutant le plasticage de ses bureaux, le NME a publié une explica-justification. En gros, la rédac’ ne voulait pas une fois de plus s’incliner devant les mêmes statues du commandeur et s’est demandé ce que les jeunes groupes aujourd’hui écoutaient et émulaient. Ça se tient. Et ça aurait pu couper la chique aux râleurs qui se plaignent que dans la presse rock, on laisse trop de place aux morts et aux momies à guitares. Mais le râleur, n’aimant rien d’autre qu’entretenir son ulcère, s’est empressé de chouiner que hein, bon, faudrait quand même pas manquer de respect aux papys du rock et scier en douce les pieds du déambulateur…

    Ah, au fait, et moi, j’en pense quoi, vous demandez-vous par-delà votre écran ? (Ou pas, c’est votre droit. Mais alors que foutez-vous là ?). Vous allez rire, mais je m’en cogne de cette liste. Je préfère aller regarder une vidéo mignonne d’un chaton jouant avec la queue d’un autre chat.

    Je ne comprends toujours pas l’intérêt des listes, si ce n’est pour remplir des pages de magazines pendant l’été. Ou à la fin de l’année, quand l’actualité musicale frôle le néant. Laissons les classements aux sportifs. On ne peut pas classer de façon satisfaisante des artistes, sauf par ordre alphabétique quand on a une grosse discothèque. Les listes sont par nature subjectives. Il n’existe pas d’algorithme pour déterminer si, oui ou non, “Like A Rolling Stone” est une meilleure chanson que “Waterloo Sunset”, si Nirvana est plus fort que les Beatles ou si Radiohead est plus influent sur les groupes actuels que les Who… Si je vous demande aujourd’hui quelle est votre chanson préférée de tous les temps, je doute que vous me donnerez la même réponse samedi soir, après quelques verres ou lundi matin, quand, frappé de céphalo-rectalée vous irez en zombie au boulot… Je parle en connaissance de cause. Il y a des jours où je bloque totalement sur un artiste, un album, voire un morceau et je n’écoute que ça. En boucle. Deux semaines après, je compulse sur un autre. Ou je n’écoute que des playlists où figurent des dizaines de groupes…

    Le jour où je me présenterai à la présidence, je tiens mon slogan. Moins de listes, plus de playlists. Je préfère qu’on partage avec moi ses morceaux préférés que ses opinions définitives. Qui changeront l’an prochain, au prochain hors-série spécial listes de classements des tops.


  5. Last night a DJ…

    mai 6, 2014 by Isabelle Chelley

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    Ceux qui me connaissent dans la vraie vie savent que je suis non-violente. Opposée à la peine de mort. Anti-fourrure, corrida et élevage industriel. Végétarienne. Je suis râleuse, négative, froide, névrosée, oui. Violente non, tant qu’on me fiche la paix. N’empêche qu’hier, j’ai failli tuer un DJ. Quoi qu’en disent ceux qui ont subi les éléments les moins glorieux de la profession lors de mariages et autres réjouissances, tuer un DJ, même le plus mauvais de tous, est un crime. Il serait même passible de prison. Heureusement que je ne sors jamais avec une machette au fond de mon sac. À cette heure, je devrais expliquer à Good Cop et Bad Cop que la victime a réveillé en moi un souvenir pénible.

    Revenons sur les faits. Hier, je suis allée voir Damon Albarn à l’Alhambra. En prenant soin de ne pas arriver trop tôt, puisque le billet avertissait d’un DJ set de Rémi Kabaka. Ok, le gars a déjà travaillé avec Damon Albarn. C’était lui, Russell, le batteur balèse de Gorillaz, le meilleur groupe virtuel de tous les temps. Mais derrière des platines, l’individu le plus talentueux qui soit peut se muer en atroce pète-rouleaux.

    A peine installée dans la mezzanine, j’ai senti que Rémi et moi n’allions pas être potes. Loin de sa batterie, ce garçon est dangereux. Il aime les gros beats. Répétitifs. Lancinants. Les bidouillages abstraits qui provoquent un triple orgasme chez ses confrères DJ, mais qui me laisse, moi, bête amoureuse de mélodies, indifférente, agacée, puis enragée. Je n’ai rien contre les DJ, j’en connais de très bien, je vous assure. Je n’ai rien non plus contre la musique électronique. Mon cerveau n’a juste pas été programmé pour apprécier des beats en boucles et des samples sans queue ni tête.

    Me voilà donc condamnée à subir ce tortionnaire des platines. Si je me lève, comme je ne suis pas accompagnée, on va me piquer ma place, c’est sûr, j’en vois déjà qui louchent dessus. Comme il n’y a pas de réseau, je ne peux pas m’épancher sur les réseaux sociaux (faisant habilement savoir que tralala, je vais voir Damon Albarn après, lalalalère !). Je réalise que je n’ai pas installé Candy Crush ou n’importe quel autre match 3 addictif sur mon nouvel iPhone (oui, j’ai parfois de gros soucis de bobo-enfant-gâtée). Je regarde l’heure. Cinq minutes se sont écoulées depuis que j’ai posé mon séant sur ce fauteuil. Je fouille dans mon sac. Rien qui ne puisse me permettre d’abréger le supplice. Pas même une pince à épiler que je pourrais brandir en hurlant : “Rémi, lâche ces platines, sinon je te bousille sévèrement le sourcil droit !”

    Soudain, violent choc intérieur. C’est le retour du refoulé. Je me revois, il y a quelques années aux Nuits Sonores à Lyon, missionnée par un quotidien pour lequel j’écrivais. Je devais passer la nuit dans une usine désaffectée où Jeff Mills et quelques autres mixaient. J’y étais allée avec l’enthousiasme de Dora l’exploratrice partant à l’aventure, décidée à vivre ça comme une expérience que je ne referais jamais. Effectivement. Un pied dans l’usine et j’ai eu le sentiment d’être dans un enfer taillé sur mesure pour moi. La poussière, accumulée depuis un quart de siècle au minimum, m’a attaquée, me condamnant à ne plus quitter mes Wayfarer, sous peine d’exhiber des yeux de grenouille albinos. Les WC débordaient, à moins que le raveur moyen ne se soulage en dansant. Et surtout, le bar ne servait pas d’alcool. Sous le prétexte douteux que le raveur préfère les energy drinks pour tenir toute la nuit. J’ai bu des choses étranges au cours de ma vie, y compris du vinaigre blanc et du produit vaisselle (pas volontairement, je précise), mais rien de pire qu’un Pepsi Black, mélange de Pepsi et de café, sentant la chaussette humide.

    Évidemment, cette scène apocalyptique était baignée de pulsations sonores faisant vibrer le sol et de strobes à tuer une colonie d’épileptiques. Cette nuit-là, j’ai eu envie de tuer des DJ. D’autant qu’eux, ces pignoufs, avaient l’air de s’éclater comme des petits fous, affichant la mine ravie du clebs venant de se branler sur ta jambe quand ils relevaient le museau de leur console. Le temps semblait ne pas s’écouler. J’avais soif, j’étais cernée d’une nuée de zombies puant la sueur et le faux Red Bull. Lorsque la première navette vers le centre ville est arrivée, j’ai bondi dedans, préférant poireauter une heure dans une gare déserte plutôt que de moisir dans cet enfer. De retour à Paris, j’ai juré de ne plus jamais, jamais, jamais m’y laisser reprendre. Et j’ai enfoui ce souvenir dans ma mémoire. Jusqu’à hier.

    Non, tu n’es pas revenue à Lyon, me disais-je. Bientôt, le méchant monsieur va lâcher ses platines et le gentil Damon va venir. La vision de Marianne Faithfull, se glissant à sa place, deux rangs devant moi, m’a tirée du cauchemar. J’étais bien à Paris. Que foutrait la divine Marianne à une rave, hein ? J’ai entendu des applaudissements saluant la fin du set de mon némésis. Était-ce du soulagement ? De la politesse ? M’en fous. Dix minutes plus tard, Damon Albarn est arrivé. Et au bout d’une 1h45 de concert, si on m’avait proposé de le revoir le lendemain, à condition de me beurrer à nouveau DJ Casse-Bonbecs, j’aurais dit oui.

    En apportant un flingue ou un piège à ours, quand même, au cas où…


  6. Plus jamais ça…

    février 21, 2014 by Isabelle Chelley

    L’album de reprises, cet exercice délicat et casse-gueule, réservé à quelques élus seulement…

    Je n’ai pas pris de bonnes résolutions pour 2014. Enfin, si, mais vous vous en tamponnez le coquillard de savoir que je compte dominer le monde, me mettre au krav maga, passer moins de six heures par jour sur l’iPad et ne plus angoisser parce que les boîtes d’herbes surgelées ne sont pas alignées comme il faut dans le congélateur.

    En revanche, s’il y en a bien une qui pourrait prendre quelques bonnes résolutions, oui même en février, c’est la musique (et comme elle n’a pas de congélateur, elle doit moins flipper sur son rangement). Parce que malgré mon amour pour elle, elle fait un peu n’importe quoi. Elle s’autosaborde en permanence, comme la copine au régime qui alterne frites et carottes râpées. Il faut dire que l’industrie du disque, les musiciens, le public et les médias ne font rien pour qu’elle aille mieux non plus. Mais ce serait tellement fabuleux si en 2014, on éradiquait quelques sales habitudes…

    En 2014, merci d’en finir avec les albums de reprises. C’est sûr qu’il est plus simple de piocher dans le patrimoine que de secouer sa muse pour pondre une malheureuse chanson. Mais a-t-on besoin d’une énième version d’Hallelujah, pompée sur celle du pire nageur de l’histoire du rock ? Ou de classiques de la soul, aseptisés par le trio infernal Vigon Bamy Jay ? Non, même pas pour se servir du CD comme d’un sous-bock (j’en ai de très beaux EN FORME DE VINYLES, alors bon, un CD…). À de très rares exceptions (Johnny Cash, Marianne Faithfull, les Muppets), l’album de reprises dit “j’avais pas d’inspiration, alors je suis allé sur iTunes voir les titres que j’écoutais le plus et j’ai voulu me les réapproprier”. Non, tu ne te les réappropries pas. Au mieux, tu as l’air d’un chanteur de karaoké. Au pire, les fans de l’auteur-compositeur des chansons saccagées se servent de ta photo pour jouer aux fléchettes enflammées.

    En 2014, ce serait merveilleux d’arrêter de jouer aux moutons de cover, bêlant tous au moment des rappels des versions de, au choix, selon les millésimes, Toxic (Britney Spears), Seven Nation Army (White Stripes), Crazy (Gnarls Barkley), Get Lucky (Daft Punk)… C’était sympa une fois. Voire trois, parce que je ne suis qu’indulgence. Mais à présent, merci de trouver mieux pour exciter ma personne blasée. Faites un lip dub sur Gangnam Style qui dégénère en Harlem Shake. Le tout en version flash-mob, à la guitare acoustique, coiffé du chapeau de Pharell Williams. Ou pas.

    En 2014, ayez l’amabilité de ne plus jamais commettre ce crime atroce contre le bon goût qui clame à la fois “je suis un gros égomaniaque qui s’adore” et “j’avais pas d’inspiration alors je suis allé sur mon iTunes et j’ai vu que je n’écoutais QUE MES morceaux”. Oui, j’ai nommé la reprise de sa propre chanson. Je distribue des points supplémentaires dans l’ignominie s’il s’agit d’une version reggae, d’un duo avec la star du moment afin de baigner dans sa lumière et sa sueur, ou d’une revisite collant à la tendance putassière du moment. Reprendre ses propres chansons, c’est aussi glorieux que de coucher avec son ex en bouffant le vieux morceau de pizza coincé sous les coussins du canapé. (l’auteur de la métaphore ex/pizza se reconnaîtra).

    En 2014, les majors pourraient-elles ne plus nous prendre pour des têtards détenteurs d’une planche à billets ? Depuis qu’elles ont constaté que subsiste une tranche de la population achetant du vinyle, elles en ressortent. Au prix du caviar. Parce que, hein, c’est cher, le vinyle, nous dit-on, avec la même morgue que le brocanteur opportuniste du vide-grenier qui tente de nous fourguer ses nanards sentant le moisi. Ah mais comment expliquer les petits prix des petits labels ? Je relève les copies dans deux heures.

    En 2014, les majors, tant qu’elles y seront, devraient mettre fin à leur sale manie de sortir un album et, trois mois plus tard, de le ressortir avec des bonus. En marketing, cette pratique s’appelle l’enculage de fans à sec en leur faisant payer la poignée de gravillons. Ne vous étonnez pas qu’on télécharge les bonus, les gars. Illégalement. En chantant, promenons-nous dans les bois, puisqu’Hadopi n’y est pas.

    En 2014, je souhaiterai enfin que la peine de mort (par immersion dans un chaudron d’huile bouillante ou écartèlement) soit rétablie pour les auteurs de duos virtuels avec des chanteurs défunts. Alors, comme ça, blanc-bec, tu veux faire un duo avec une légende ayant rejoint le pays des têtes en os ? De son vivant, si tu avais quémandé un duo en rampant sur du verre pilé, la Légende t’aurait pouffé au nez avant de lâcher ses gardes du corps à tes trousses. Mais la Légende est morte, ses héritiers exploitent son cadavre et t’accordent, vil pilleur de sarcophages, le droit de faire ce duo vomitif, assorti d’un clip en images d’archives, inspirant comme une pub pour une assurance vie. Toute personne souhaitant à ce point chanter avec un mort ne mérite qu’une chose : qu’on l’envoie vite ad patres. En prenant soin de bien insonoriser le cercueil, au cas où.


  7. This is not a love song…

    février 14, 2014 by Isabelle Chelley

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    Ce soir, alors que vous boirez du champagne rosé pour faire passer les huîtres au gingembre ou que, célibataire, vous avalerez une pizza huit fromages à l’ail (tant qu’à n’avoir personne à embrasser, autant y aller avec panache), je serai à un concert. Pas parce que je suis une militante anti St. Valentin. Toute occasion de boire du champagne étant bonne à prendre, il m’arrive de célébrer la fête des amoureux et d’afficher, après deux verres, un air vaguement plus réjoui que Grumpy Cat au réveil un lundi pluvieux. C’est juste que ce soir, il y a Courtney Barnett au Divan du Monde et qu’elle est mon crush du moment.

    N’écoutant que mon altruisme naturel, j’ai pensé à ceux qui tenteront de digérer leur pizza, pris de nausées en zappant entre les 25 comédies romantiques astucieusement programmées à la télé le 14 février. Et si je leur faisais une petite playlist de mes chansons d’amour préférées de tous les temps de l’univers, hein ?

    J’entends déjà le chœur des « oh mais, euh, elle est nulle, ta playlist, il n’y a pas de ballades dessus ». Ben oui, il n’y en a pas. Les jolies ballades avec des paroles sucrées à rendre diabétique le nounours Haribo copulant avec mon Petit Poney dans le repère de la Licorne Pailletée me font perdre la patience que je n’ai pas.

    Mes chansons d’amour préférées appartiennent au registre du tordu, compliqué, ambigu, elles sont truffées d’obsessions, de tensions, de jalousies, sinon ce ne serait pas drôle (dans le lot, il y a des classiques et quelques kitscheries, aussi. Une playlist n’est honnête que si elle contient des inavouables de fond d’iPod). Oui, même que j’ai aussi choisi des chansons de pas d’amour du tout, mais qui en parlent très bien quand même. Love Will Tear Us Apart ou Suspicious Minds, ça en dit autrement plus sur le couple que Barry White haletant que je suis la prems, la dernière et son tout. Attention, il n’y a pas que des ruptures, il y a aussi des histoires d’obsession qui flirtent avec le restraining order et la camisole chimique, comme Superstar ou Eloise. Ou les vrais drames, tant qu’on y est. New York Mining Disaster 1941, son mineur coincé sous terre qui montre une photo de sa femme en attendant d’éventuels secours, ça me fout vraiment le frisson.

    Quant à Jackson, c’est sans doute la chanson de chamaillerie avant la réconciliation dos collé à la porte de la grange la plus chaude que je connaisse. Et I Can’t Decide est un pur plaisir narcissique. J’ai forcément servi d’inspiration aux Scissor Sisters pour le portrait de ce cauchemar sur pattes qui donne des envies meurtrières au chanteur. Ou alors, si ce n’est moi, c’est mon jumeau caché.

    Toutes ces chansons-là en tout cas, ont un point commun : elles évoquent des scénarios et des images, mettent l’imagination en branle et me titillent la région de l’émotion, oui, la petite sous-développée, là-bas, écrasée par les régions névroses, contrôle, obsessions, peurs irrationnelles et passion douteuse pour les mascottes. Et comme le cerveau est une zone érogène, je… Enfin voilà, voilà… Non, merci, je n’aurais pas besoin de gingembre.


  8. Concert 1993 vs. concert 2013

    octobre 4, 2013 by Isabelle Chelley

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    À chaque fois que tu dis « c’était mieux avant », petit Jedi, sache que soudain, tu ressembles à Statler et/ou Walforf, plus communément appelés « vieux des Muppets ».

    Je prends quelques risques avec ce titre laissant entendre que j’étais en âge d’aller à des concerts de rock en 1993… Précisons d’emblée que j’étais également à peine sortie de l’enfance à l’époque et que je portais beaucoup moins d’anti-cernes. Quoique.

    À force d’entendre répéter que c’était mieux avant, j’ai voulu, dans une démarche strictement scientifique, vérifier cette affirmation souvent lancée lors d’une bouffée collective de nostalgie frôlant le vieuconnisme aigu. Commençons par faire un effort de mémoire ou d’imagination. En 1993, internet n’existait pas en France. Nous errions dans un immense vide culturel, sans vidéos de chatons, sans réseaux sociaux et trolls à mépriser, sans smartphone (ma main gauche à laquelle l’iPhone est greffé, n’en croit pas ses oreilles, ce qui est étrange pour une main). Nous survivions à peu près l’âge des cavernes avec moins de peaux de bêtes et de dinosaures…

    Apprendre que son groupe préféré vient jouer
    1993 : Pour ne rien louper, il fallait acheter la presse rock. Et déchiffrer les listings de concerts écrits en tout petit à la fin. Ou guetter les affiches dans le métro parisien. Ou s’aventurer à la FNAC pour repérer les concerts annoncés.
    2013 : Entre les sites de billetteries, les newsletters, les blogs musicaux et les réseaux sociaux, impossible de louper un concert. Pire, il faut jouer souvent à pile ou face, parce que les organisateurs s’arrangent dans notre dos pour toujours programmer trois bons concerts le même soir. Je ne suis pas parano, mais ce n’est pas ma faute s’ils se concertent en douce, rien que pour me contrarier.

    Acheter son billet
    1993 : A part se déplacer, faire la queue à la Fnac/Virgin/l’espace culturel de Carrouf ou autre, en espérant très très fort que les places pour le concert d’un boys band n’avaient pas été mises en vente le matin-même, il n’y avait pas moyen d’acheter un billet facilement. Sauf, peut-être, en étant membre du fan-club. Il fallait alors envoyer son chèque et brûler des cierges à la divinité postière dans l’espoir que le précieux courrier ne se perde pas en route et arrive avant la date du concert.
    2013 : Acheter son billet en ligne et le recevoir sur son smartphone, c’est à la portée de n’importe qui. Même d’un chat, sans doute. Utilisez cette excuse la prochaine fois que vous aurez envie d’assister à un concert nuisant gravement à votre crédibilité rock. Sans être parano, on sait que le chat est naturellement mauvais et n’aime rien tant que de vous faire passer pour un glandu.

    Retrouver ses potes au concert
    1993 : La méthode dite du « yooooohoooo, je suis là » était assez efficace, sauf quand une moitié de la salle/de la file d’attente se mettait à en l’adopter. Ce qu’elle faisait. Je ne suis pas parano, ce n’est juste pas ma faute si les files d’attente cherchaient à me nuire à l’époque en m’isolant de mes amis.
    2013 : La méthode dite du SMS « Téou? » est assez efficace, sauf quand une moitié de la file d’attente se met à en faire autant et ralentit le réseau dont la couverture est inexistante dans la salle, sauf près de la porte des wawas. Bon, avec un peu de chance, nos potes sont eux aussi en pleine réunion au sommet devant la porte des wawas à tenter de nous envoyer le SMS « Téou? »

    Assister à la première partie bof-bof du concert
    1993 : L’option bar était souvent la solution, au risque de se retrouver bloqué au fond de la salle derrière un poteau quand le concert suivant commençait, tout ça parce qu’à force de boire, on avait envie d’aller aux wawas. Comme la moitié du public. Sans être parano, vraiment, j’ai été plus d’une fois victime de la conspiration des mini-vessies maléfiques.
    2013 : S’il y a un peu de couverture réseau, c’est le moment de prendre des photos floues et sous-exposées à poster sur les réseaux sociaux, surtout si l’on assiste à un concert complet dont les billets se sont arrachés en deux heures. Sans réseau, profitons de ce merveilleux outil plein de ressources qu’est le smartphone et passons au niveau supérieur de Candy Crush.

    Immortaliser le concert
    1993 : On a tous eu un pote un peu foufou qui défiait l’interdiction et introduisait clandestinement un appareil photo dans la salle. En le planquant parfois dans des endroits abrités du soleil, mettant en danger ses attributs virils tout ça pour l’amour du rock (et des photos floues, mal cadrées et sous-exposées). Il arrivait aussi que le pote foufou nous demande de planquer son appareil dans notre soutien-gorge « parce que c’est plus discret, ça passera tout seul ». J’ai encore le souvenir cuisant des regards suspicieux et appuyés des videurs trouvant étrange que j’ai un sein rectangulaire. Et ce, sans être parano du tout.
    2013 : On a tous ou presque un smartphone. Et même en étant moins doué pour les arts photographiques que Stevie Wonder, il serait inconvenant de ne pas s’en servir au moins une fois pendant le concert, ne serait-ce que pour saisir cette magnifique marée de smartphones brandis à bout de bras, tels des oriflammes sur le champ de bataille du décibel. Il est aussi fortement recommandé d’immortaliser à la dérobée le pignouf qui filme avec sa tablette et nous bouche la vue, afin de se livrer à du pignouf-shaming sur les réseaux sociaux.

    Ah oui, au fait… Assister au concert
    En 1993 comme en 2013, ça n’a pas changé. On hurle, on applaudit, on braille nos morceaux préférés en chœur, on réclame un rappel prévu au programme de toute façon. La seule différence, c’est qu’en 2013, on risque de se retrouver sur YouTube en train de faire le pois sauteur hystérique ou de jouer un inoubliable solo d’air clavier… Je ne suis pas parano, mais I’ve got parfois the feeling that somebody’s watching me. Et même filming me…