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Quoi écouter quand… la vie est parfaitement déprimante ?

8 juillet 2020 by Isabelle Chelley

Illustration et idée de rubrique : Benjamin Peurey

Il y a des jours (ou des mois) comme ça. La perspective d’affronter le monde – ou son poisson rouge de compagnie – est insurmontable. Dehors, il fait beau et c’est comme si la météo se payait ta tronche, Petit Scarabée car dans ton cœur, il pleut assez pour transformer le Sahara en rizière. Ton existence est rythmée par tes soupirs et s’il te restait de l’énergie, tu hausserais les épaules pour ponctuer ces “A quoi bon ?” devenus ta devise. Car oui, la vie est nulle et tu es le seul à t’en être rendu compte…

Tu as tenté d’avertir tes proches, lors de tirades désabusées mêlant réchauffement climatique, audimat d’Hanouna, fuite en avant de l’humanité, terre-platisme, engouement durable pour le combo claquettes-chaussettes, chômage en hausse et impossibilité de trouver des Figolu recette authentique dans ton quartier. Tu as vite compris que personne n’écoutait et si Cloclo, le chanteur électricien ne te hérissait pas le poil, tu aurais repris à ton compte les paroles du “Mail Aimé”, abandonné de tous que tu es. Oui, même les cafards installés dans ton appartement miteux ont décampé, se plaignant de l’ambiance sinistre qui y règne.

Si tu étais un Bisounours, tu serais Grosse Déprime. Chez les Powers Rangers, on t’appellerait Force Xanax. Et dans Star Wars, tu serais du Côté Hyper Sombre de la Force. Ça ne va tellement pas fort du tout que tu ne te demandes même plus : Quoi écouter quand… la vie est parfaitement déprimante ?

Je ne vais pas y aller avec le dos de la main morte, Petit Scarabée. Vu ton état, il y a longtemps que tu as dépassé le stade où tu peux faire la chenille sur “You Want It Darker” de Leonard Cohen. Il te faut un électrochoc. Un album qui te prouve que, même si la vie est une tartine d’épingles rouillées, il y en a qui extraient un peu de beauté et d’émotions à vif de toute cette horreur.

Comme ce cher Trent Reznor, leader de Nine Inch Nails, sympathique groupe indus de Cleveland. Son légendaire The Downward Spiral est le genre d’album qui fait un bien douloureux par là où il passe. Un peu de background peut-être ? Le disque a été enregistré à Cielo Drive (Los Angeles), dans la villa où la Famille du gourou rissolé du ciboulot, Charles Manson, a massacré l’actrice Sharon Tate et quelques amis en 1969. Lieu idéal pour ressentir de mauvaises vibrations, ainsi que pour plancher sur un concept album parlant de la dégradation mentale d’un homme. Le fait qu’il ait été écrit alors que Reznor s’embourbait dans l’alcool, les substances et la dépression lui donne ce petit rien d’authenticité qui te réconfortera Petit Scarabée, car, oui, tu n’es pas seul. Pour un peu, Reznor aussi était affecté par la pénurie de Figolu.

L’album s’ouvre sur le brutal et lancinant “Mr. Self Destruct” pour te plonger dans une ambiance depression-friendly et nul besoin d’un effort surhumain pour murmurer en chœur avec Trentinou, « je suis la sortie”. Quoi ? C’est trop violent pour toi, Petit Scarabée ? Passe à l’excellent “Closer”, tout aussi entêtant, mais plus accessible… N’écoute pas les paroles de trop près (disons que la phrase “je veux te baiser comme un animal” est l’une des moins dérangeante ici), mais va t’en chercher la superbe vidéo de Mark Romanek, enfilade d’images dérangeantes, mais parfois réconfortantes, comme lorsque le petit cafard filmé en gros plan se remet sur le dos (non, tu ne m’as pas entendu l’encourager) et s’en va en gambadant… Et je ne te parle pas du top au crochet de Reznor, sorti d’un remake indus du Père Noël est une ordure. Pour t’achever en beauté, rien de mieux que “Hurt”. Avoue-le : quand c’est Trent Reznor qui se plaint, ça a autrement plus de gueule que toi. Tu vois, Petit Scarabée, tu n’es pas le seul à trouver la vie parfaitement déprimante. Et dans certains cas, ça peut donner de très beaux résultats…


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