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février, 2014

  1. Plus jamais ça…

    février 21, 2014 by Isabelle Chelley

    L’album de reprises, cet exercice délicat et casse-gueule, réservé à quelques élus seulement…

    Je n’ai pas pris de bonnes résolutions pour 2014. Enfin, si, mais vous vous en tamponnez le coquillard de savoir que je compte dominer le monde, me mettre au krav maga, passer moins de six heures par jour sur l’iPad et ne plus angoisser parce que les boîtes d’herbes surgelées ne sont pas alignées comme il faut dans le congélateur.

    En revanche, s’il y en a bien une qui pourrait prendre quelques bonnes résolutions, oui même en février, c’est la musique (et comme elle n’a pas de congélateur, elle doit moins flipper sur son rangement). Parce que malgré mon amour pour elle, elle fait un peu n’importe quoi. Elle s’autosaborde en permanence, comme la copine au régime qui alterne frites et carottes râpées. Il faut dire que l’industrie du disque, les musiciens, le public et les médias ne font rien pour qu’elle aille mieux non plus. Mais ce serait tellement fabuleux si en 2014, on éradiquait quelques sales habitudes…

    En 2014, merci d’en finir avec les albums de reprises. C’est sûr qu’il est plus simple de piocher dans le patrimoine que de secouer sa muse pour pondre une malheureuse chanson. Mais a-t-on besoin d’une énième version d’Hallelujah, pompée sur celle du pire nageur de l’histoire du rock ? Ou de classiques de la soul, aseptisés par le trio infernal Vigon Bamy Jay ? Non, même pas pour se servir du CD comme d’un sous-bock (j’en ai de très beaux EN FORME DE VINYLES, alors bon, un CD…). À de très rares exceptions (Johnny Cash, Marianne Faithfull, les Muppets), l’album de reprises dit “j’avais pas d’inspiration, alors je suis allé sur iTunes voir les titres que j’écoutais le plus et j’ai voulu me les réapproprier”. Non, tu ne te les réappropries pas. Au mieux, tu as l’air d’un chanteur de karaoké. Au pire, les fans de l’auteur-compositeur des chansons saccagées se servent de ta photo pour jouer aux fléchettes enflammées.

    En 2014, ce serait merveilleux d’arrêter de jouer aux moutons de cover, bêlant tous au moment des rappels des versions de, au choix, selon les millésimes, Toxic (Britney Spears), Seven Nation Army (White Stripes), Crazy (Gnarls Barkley), Get Lucky (Daft Punk)… C’était sympa une fois. Voire trois, parce que je ne suis qu’indulgence. Mais à présent, merci de trouver mieux pour exciter ma personne blasée. Faites un lip dub sur Gangnam Style qui dégénère en Harlem Shake. Le tout en version flash-mob, à la guitare acoustique, coiffé du chapeau de Pharell Williams. Ou pas.

    En 2014, ayez l’amabilité de ne plus jamais commettre ce crime atroce contre le bon goût qui clame à la fois “je suis un gros égomaniaque qui s’adore” et “j’avais pas d’inspiration alors je suis allé sur mon iTunes et j’ai vu que je n’écoutais QUE MES morceaux”. Oui, j’ai nommé la reprise de sa propre chanson. Je distribue des points supplémentaires dans l’ignominie s’il s’agit d’une version reggae, d’un duo avec la star du moment afin de baigner dans sa lumière et sa sueur, ou d’une revisite collant à la tendance putassière du moment. Reprendre ses propres chansons, c’est aussi glorieux que de coucher avec son ex en bouffant le vieux morceau de pizza coincé sous les coussins du canapé. (l’auteur de la métaphore ex/pizza se reconnaîtra).

    En 2014, les majors pourraient-elles ne plus nous prendre pour des têtards détenteurs d’une planche à billets ? Depuis qu’elles ont constaté que subsiste une tranche de la population achetant du vinyle, elles en ressortent. Au prix du caviar. Parce que, hein, c’est cher, le vinyle, nous dit-on, avec la même morgue que le brocanteur opportuniste du vide-grenier qui tente de nous fourguer ses nanards sentant le moisi. Ah mais comment expliquer les petits prix des petits labels ? Je relève les copies dans deux heures.

    En 2014, les majors, tant qu’elles y seront, devraient mettre fin à leur sale manie de sortir un album et, trois mois plus tard, de le ressortir avec des bonus. En marketing, cette pratique s’appelle l’enculage de fans à sec en leur faisant payer la poignée de gravillons. Ne vous étonnez pas qu’on télécharge les bonus, les gars. Illégalement. En chantant, promenons-nous dans les bois, puisqu’Hadopi n’y est pas.

    En 2014, je souhaiterai enfin que la peine de mort (par immersion dans un chaudron d’huile bouillante ou écartèlement) soit rétablie pour les auteurs de duos virtuels avec des chanteurs défunts. Alors, comme ça, blanc-bec, tu veux faire un duo avec une légende ayant rejoint le pays des têtes en os ? De son vivant, si tu avais quémandé un duo en rampant sur du verre pilé, la Légende t’aurait pouffé au nez avant de lâcher ses gardes du corps à tes trousses. Mais la Légende est morte, ses héritiers exploitent son cadavre et t’accordent, vil pilleur de sarcophages, le droit de faire ce duo vomitif, assorti d’un clip en images d’archives, inspirant comme une pub pour une assurance vie. Toute personne souhaitant à ce point chanter avec un mort ne mérite qu’une chose : qu’on l’envoie vite ad patres. En prenant soin de bien insonoriser le cercueil, au cas où.


  2. This is not a love song…

    février 14, 2014 by Isabelle Chelley

    milk

     

    Ce soir, alors que vous boirez du champagne rosé pour faire passer les huîtres au gingembre ou que, célibataire, vous avalerez une pizza huit fromages à l’ail (tant qu’à n’avoir personne à embrasser, autant y aller avec panache), je serai à un concert. Pas parce que je suis une militante anti St. Valentin. Toute occasion de boire du champagne étant bonne à prendre, il m’arrive de célébrer la fête des amoureux et d’afficher, après deux verres, un air vaguement plus réjoui que Grumpy Cat au réveil un lundi pluvieux. C’est juste que ce soir, il y a Courtney Barnett au Divan du Monde et qu’elle est mon crush du moment.

    N’écoutant que mon altruisme naturel, j’ai pensé à ceux qui tenteront de digérer leur pizza, pris de nausées en zappant entre les 25 comédies romantiques astucieusement programmées à la télé le 14 février. Et si je leur faisais une petite playlist de mes chansons d’amour préférées de tous les temps de l’univers, hein ?

    J’entends déjà le chœur des « oh mais, euh, elle est nulle, ta playlist, il n’y a pas de ballades dessus ». Ben oui, il n’y en a pas. Les jolies ballades avec des paroles sucrées à rendre diabétique le nounours Haribo copulant avec mon Petit Poney dans le repère de la Licorne Pailletée me font perdre la patience que je n’ai pas.

    Mes chansons d’amour préférées appartiennent au registre du tordu, compliqué, ambigu, elles sont truffées d’obsessions, de tensions, de jalousies, sinon ce ne serait pas drôle (dans le lot, il y a des classiques et quelques kitscheries, aussi. Une playlist n’est honnête que si elle contient des inavouables de fond d’iPod). Oui, même que j’ai aussi choisi des chansons de pas d’amour du tout, mais qui en parlent très bien quand même. Love Will Tear Us Apart ou Suspicious Minds, ça en dit autrement plus sur le couple que Barry White haletant que je suis la prems, la dernière et son tout. Attention, il n’y a pas que des ruptures, il y a aussi des histoires d’obsession qui flirtent avec le restraining order et la camisole chimique, comme Superstar ou Eloise. Ou les vrais drames, tant qu’on y est. New York Mining Disaster 1941, son mineur coincé sous terre qui montre une photo de sa femme en attendant d’éventuels secours, ça me fout vraiment le frisson.

    Quant à Jackson, c’est sans doute la chanson de chamaillerie avant la réconciliation dos collé à la porte de la grange la plus chaude que je connaisse. Et I Can’t Decide est un pur plaisir narcissique. J’ai forcément servi d’inspiration aux Scissor Sisters pour le portrait de ce cauchemar sur pattes qui donne des envies meurtrières au chanteur. Ou alors, si ce n’est moi, c’est mon jumeau caché.

    Toutes ces chansons-là en tout cas, ont un point commun : elles évoquent des scénarios et des images, mettent l’imagination en branle et me titillent la région de l’émotion, oui, la petite sous-développée, là-bas, écrasée par les régions névroses, contrôle, obsessions, peurs irrationnelles et passion douteuse pour les mascottes. Et comme le cerveau est une zone érogène, je… Enfin voilà, voilà… Non, merci, je n’aurais pas besoin de gingembre.